Les clés pour comprendre les normes ESRS dédiées au volet social

Par Stéphanie Biron
5 février 2025
5 min
Sommaire

Inclusion, droits humains, conditions de travail… les entreprises sont aujourd’hui plus que jamais mises face à leurs responsabilités sociales. Mais quelles informations concrètes doivent-elles partager sur leurs impacts sociaux ?

Si pendant longtemps le reporting social manquait de cadre structurant et de transparence, l’entrée en vigueur de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a changé la donne : désormais, les entreprises européennes d’une certaine taille doivent se conformer à des obligations strictes de publication.

Ces obligations sont définies par les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), et en particulier les normes ESRS S1 à S4, dédiées au volet social. 

Quelles thématiques couvrent-elles exactement ? Comment s’assurer de répondre à ces exigences ? Nous faisons le point dans cet article.

Les fondamentaux des ESRS sociaux

Le cadre global des ESRS

Avant de plonger dans les détails des ESRS dédiées au volet social, commençons par clarifier rapidement ce que sont les normes ESRS et pourquoi elles sont cruciales. 

Ces normes forment la colonne vertébrale du reporting de durabilité imposé par la directive CSRD. Elles visent en effet à fournir un cadre clair et harmonisé pour que les entreprises européennes puissent publier des informations fiables et comparables sur leurs impacts, risques et opportunités liés à la durabilité.

Elles sont organisées en trois grandes catégories : 

1. Les normes transversales ESRS 1 et 2, qui définissent les principes généraux et les divulgations communes à toutes les entreprises, garantissant une base cohérente.

2. Les normes thématiques, qui structurent le reporting autour des trois axes ESG : l’environnement, avec les normes ESRS E, le social, avec les normes ESRS S, qu’on va explorer plus en détail dans cet article, et la gouvernance, avec la norme ESRS G1. 

3. Enfin, les normes sectorielles, qui viendront, à partir de 2026, compléter ce cadre en abordant les spécificités propres à certains secteurs d’activité.

Ce qu’il faut retenir, c’est donc que les normes ESRS dédiées au volet environnemental s’inscrivent dans un cadre plus global : elles ne sont qu’une partie du reporting de durabilité imposé par la directive CSRD, dont l’objectif est d’offrir une vue d’ensemble cohérente, complète et structurée des impacts, risques et opportunités ESG des entreprises. 

Les ESRS sociaux : un cadre détaillé pour rendre compte des impacts humains

Il existe 4 normes ESRS dédiées au volet social (S1, S2, S3 et S4), et chacune d’entre elle s’intéresse à une catégorie spécifique d’acteurs ou d’enjeux, avec des exigences claires en matière de divulgation d’informations. Ensemble, elles permettent de cartographier l’impact social de l’entreprise à travers des thématiques comme les droits humains, les conditions de travail, la santé, la sécurité ou encore l’inclusion. Voici un aperçu des enjeux couverts par chacune d’entre elles :

  • L’ESRS S1 concerne les effectifs propres de l’entreprise.
  • L’ESRS S2 s’intéresse aux travailleurs de la chaîne de valeur, ne faisant pas partie de l’effectif propre de l’entreprise.
  • L’ESRS S3 concerne les communautés affectées, englobant les droits économiques, sociaux, culturels, politiques et civils des populations autochtones et riverains.
  • Enfin, l’ESRS S4 se concentre sur les consommateurs et utilisateurs finaux.

Voyons à présent chacune de ces normes en détail pour mieux comprendre leurs enjeux et exigences spécifiques.

Les 4 normes ESRS dédiées au volet social à la loupe

ESRS S1 : effectifs de l’entreprise

L’ESRS S1 s’intéresse spécifiquement aux effectifs de l’entreprise et à leurs conditions de travail. Elle impose aux entreprises de communiquer sur des thématiques essentielles telles que le dialogue social, les salaires, l’inclusion, la santé et la sécurité, ou encore l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Cette norme s’applique exclusivement au personnel propre de l’entreprise, c’est-à-dire les salariés, les intérimaires et les prestataires contractuels. Les travailleurs de la chaîne de valeur sont exclus de cette norme, car ils relèvent de l’ESRS S2.

Dans le détail, elle prévoit un total de 17 exigences de divulgation, ce qu’on appelle “Disclosure Requirements”, ou “DR”. À ce titre, c’est l’une des normes les plus détaillées du cadre normatif ! Voici les 17 DR en question :

  • DR 1 : politiques liées aux effectifs de l’entreprise
  • DR 2 : processus d’interaction avec les effectifs et leurs représentants
  • DR 3 : procédures de réparation des incidences négatives
  • DR 4 : actions mises en place pour atténuer les risques et saisir les opportunités
  • DR 5 : objectifs liés aux impacts, risques et opportunités
  • DR 6 : caractéristiques des salariés de l’entreprise
  • DR 7 : caractéristiques des travailleurs non-salariés de l’entreprise
  • DR 8 : couverture des négociations collectives et dialogue social
  • DR 9 : indicateurs de diversité
  • DR 10 : salaires décents
  • DR 11 : protection sociale
  • DR 12 : inclusion des personnes handicapées
  • DR 13 : formation et développement des compétences
  • DR 14 : santé et sécurité
  • DR 15 : équilibre vie professionnelle/vie privée
  • DR 16 : indicateurs de rémunération
  • DR 17 : cas, plaintes et incidences graves sur les droits humains

ESRS S2 : travailleurs de la chaîne de valeur

La norme ESRS S2 élargit le périmètre d’analyse au-delà des effectifs propres de l’entreprise, en se concentrant sur les travailleurs de sa chaîne de valeur, qu’ils soient en amont ou en aval des activités de l’entreprise. Elle vise à évaluer les impacts que les activités de l’entreprise peuvent avoir sur leurs conditions de travail, leurs droits fondamentaux et leur bien-être.

Cette norme s’applique spécifiquement à la main-d’œuvre externe à l’entreprise : prestataires, sous-traitants, employés des fournisseurs ou encore travailleurs impliqués dans la logistique ou la distribution.

Cette norme contient 5 “Disclosure Requirements” (DR), couvrant les éléments suivants :

  • DR 1 : politiques relatives aux travailleurs de la chaîne de valeur
  • DR 2 : processus de dialogue avec les travailleurs de la chaîne de valeur
  • DR 3 : procédures visant à remédier aux incidences négatives
  • DR 4 : mesures pour atténuer les impacts matériels et saisir les opportunités
  • DR 5 : objectifs liés aux impacts, risques et opportunités matériels

L’ESRS S2 se distingue par son approche exigeante et globale, qui pousse les entreprises à mieux comprendre et gérer leurs interactions avec des acteurs souvent distants mais stratégiques.

ESRS S3 : communautés affectées

L’expression “communautés affectées” désigne les groupes de personnes vivant ou travaillant à proximité des sites industriels, usines ou infrastructures de l’entreprise, ainsi que de sa chaîne de valeur. Cette norme impose aux entreprises de rendre compte des impacts économiques, sociaux, culturels et politiques qu’elles génèrent sur ces populations, qu’il s’agisse d’effets systémiques, comme la pollution industrielle impactant la santé des riverains, ou d’événements ponctuels, tels qu’une catastrophe environnementale.

Elle compte 5 “Disclosure Requirements” (DR) :

  • DR 1 : politiques relatives aux communautés affectées
  • DR 2 : processus de dialogue avec les communautés affectées
  • DR 3 : processus pour remédier aux impacts négatifs
  • DR 4 : mesures pour atténuer les impacts et saisir les opportunités
  • DR 5 : objectifs liés aux impacts, risques et opportunités significatifs

ESRS S4 : consommateurs, et utilisateurs finaux

La norme ESRS S4, dernière du volet social, vise à évaluer les impacts des produits, services et activités de l’entreprise sur ses clients, consommateurs et utilisateurs, qu’ils soient positifs ou négatifs, et à examiner les risques et opportunités qui en découlent.

Elle exige des entreprises qu’elles analysent des thématiques telles que la santé et la sécurité des consommateurs, leur accès équitable aux produits, la protection de leur vie privée et la qualité des informations qui leur sont fournies. Elle encourage par ailleurs une approche proactive et transparente de la relation client, en poussant les entreprises à mettre en place des systèmes robustes pour évaluer et gérer leurs interactions avec les consommateurs et utilisateurs. 

Cette norme comporte 5 DR :

  • DR 1 : politiques relatives aux consommateurs et aux utilisateurs finaux
  • DR 2 : processus de dialogue avec les consommateurs et utilisateurs finaux
  • DR 3 : processus pour remédier aux impacts négatifs
  • DR 4 : mesures pour atténuer les impacts matériels et saisir les opportunités
  • DR 5 : objectifs liés aux impacts, risques et opportunités matériels

Avec les ESRS S1 à S4, les entreprises disposent enfin d’un cadre structuré pour identifier, mesurer et communiquer sur leurs impacts sociaux tout au long de leur chaîne de valeur. Une approche qui leur permet d’adopter une vision globale et stratégique, tout en renforçant la transparence vis-à-vis de leurs parties prenantes. Bien plus qu’une contrainte réglementaire, ces normes représentent donc une opportunité unique de placer le social au cœur de la stratégie de durabilité des organisations !