Critères ESG : le guide complet du reporting extra-financier pour les entreprises

Par Stéphanie Biron
10 novembre 2023
10 min
Sommaire

Face aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance de notre époque, les entreprises ne peuvent plus aujourd’hui se cacher derrière leur communication. Elles doivent désormais communiquer un certain nombre de données chiffrées et fiables, bien loin du greenwashing. Les obligations réglementaires ne cessent de se renforcer en la matière, comme se développent également les exigences des investisseurs, des clients ou des collaborateurs de ces sociétés. Le reporting extra-financier va donc devenir un sujet majeur pour beaucoup d’entre-elles. Voici ce qu’il faut savoir à son sujet :

Critères extra-financiers : définition

Les critères extra-financiers sont des indicateurs chiffrés qui permettent d’évaluer une entreprise ou une autre entité, en complément des indicateurs de pure performance financière (comme le chiffre d’affaires, la marge brut, ou le seuil de rentabilité par exemple). Les critères extra-financiers sont notamment utilisés pour mesurer l’impact de l’entreprise sur l’environnement ou sur la société. Ils peuvent être destinés à des investisseurs souhaitant noter la durabilité d’une entreprise, à des collaborateurs ou des clients désireux de jauger du positionnement environnemental ou social d’une marque, ou encore au législateur, qui a de plus en plus d’exigence en la matière, comme nous le verrons plus loin dans cet article.

Qu’est-ce que l’ESG et le reporting extra-financier ?

ESG est l’acronyme d’Environnemental, Social et Gouvernance. Il s’agit d’un concept qui repose sur des critères chiffrés normés, qui mesurent l’impact d’une entreprise ou d’une autre organisation sur l’environnement ou la société.

Les trois piliers de l’ESG : environnement, social et gouvernance

  • Les critères Environnementaux. Ils mesurent l’impact de l’entreprise sur l’environnement ou l’efficacité de ses efforts déployés pour lutter contre le changement climatique, par exemple. On retrouve dans cette catégorie tous les indicateurs servant à calculer le bilan carbone de l’entreprise ou ceux permettant d’estimer le niveau de pollution émis.
  • Les critères Sociaux. Il s’agit ici d’indicateurs permettant de mesurer le niveau de bien-être des collaborateurs par exemple (taux d’accidents du travail, taux d’absentéisme, niveau de formation assuré aux salariés) mais aussi le respect apporté aux fournisseurs, le niveau d’inclusion dans les recrutements, etc. En bref : tout ce qui touche à l’impact social de l’entreprise.
  • Les critères relatifs à la Gouvernance de l’entreprise. La rémunération des dirigeants est-elle connue et justifiée ? Les membres du conseil d’administration peuvent-ils remplir leur mission en toute indépendance ? Les droits des petits actionnaires sont-ils respectés ? Les process de prise de décision sont-ils connus de tous ? Voilà quelques-unes des questions auxquels des indicateurs chiffrés peuvent répondre. Ce sont les critères rattachés au « G » de l’ESG, la Gouvernance.

À qui s’appliquent ces critères ?

En premier lieu à l’entité dont on veut mesurer l’impact social et environnemental, le plus souvent une entreprise. Mais les critères ESG peuvent également concerner les fournisseurs de cette entreprise (c’est même indispensable pour mesurer son bilan carbone ou pour vérifier que ses produits sont fabriqués sans recours au travail dissimulé, par exemple) et plus généralement, l’ensemble des parties prenantes.

Quelle est la différence entre l’ESG et la RSE ?

ESG et RSE sont des concepts voisins et complémentaires, mais qui ont chacun leur champ d’application spécifique. Ils ne doivent donc pas être confondus.

  • La RSE, c’est la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises. Elle désigne donc l’ensemble des actions accomplies par une entreprise pour améliorer ses actions en faveur du développement durable et son impact environnemental et social, que ce soit en interne ou avec l’ensemble des parties prenantes.
  • L’ESG, comme nous l’avons vu, repose avant tout des indicateurs chiffrés. Son rôle est finalement de mesurer la performance RSE de l’entreprise.

Quelle est la différence entre l’ESG et l’ISR ?

Voilà encore un acronyme que l’on croise souvent lorsqu’il est question de RSE ou d’ESG… L’ISR, c’est l’Investissement Socialement Responsable. Il désigne les investissements financiers effectués auprès d’entreprises affichant un niveau de performance ESG suffisant.

À quoi servent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ?

Pourquoi une entreprise consacrerait-elle du temps et des efforts pour identifier, recueillir, analyser et communiquer des données ESG ? Au-delà du pur aspect moral, les raisons sont nombreuses.

Une obligation réglementaire

C’est peut-être la motivation la plus évidente. Certaines entreprises vont devoir (ou doivent déjà) réaliser un reporting ESG tout simplement parce que le législateur l’impose. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect, mais la réglementation évolue rapidement dans ce domaine et va se renforcer assez nettement dans les mois à venir.

Un sésame auprès des investisseurs : la finance responsable

Comme nous l’avons vu, l’investissement responsable est un concept qui a le vent en poupe. Pas seulement parce que des épargnants idéalistes souhaitent privilégier des placements ayant un impact positif sur la planète. Mais aussi parce que des études ont montré qu’investir dans une entreprise plus durable pouvait être plus sûr et plus rentable.

Voilà pourquoi beaucoup d’investisseurs, y compris des fonds et des banques, exigent maintenant d’avoir accès aux critères ESG d’une entreprise venant demander un financement. Certaines agences de notation se sont spécialisées dans l’ESG et dans l’investissement responsables pour répondre à ces nouveaux besoins.

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Un précieux atout marketing

Une bonne performance ESG a d’autres effets positifs pour la bonne santé financière de l’entreprise :

  • Les clients, de plus en plus attentifs à ces critères d’impact, se dirigent plus volontiers vers des marques affichant un bon niveau de performance social ou environnemental. Et leur satisfaction s’en trouve renforcée.
  • La marque employeur s’en trouve renforcée auprès des meilleurs profils qui sont, eux aussi, de plus en plus vigilants sur ces sujets d’impact.

Un outil de pilotage pour la stratégie de transition durable de l’entreprise

En permettant de mesurer la durabilité de l’entreprise et de son activité, les critères ESG sont également des indicateurs précieux pour les dirigeants et pour les équipes finance qui souhaitent piloter leur stratégie financière efficacement.

Exemple : les critères ESG peuvent permettre d’identifier des consommation énergétiques excessives ou encore des risques sociaux qui peuvent ainsi être corrigés.

Comme les critères ESG sont des indicateurs normés, ils sont suffisamment fiables et conformes pour qu’un dirigeant de PME ou un directeur administratif et financier d’un grand groupe puisse s’appuyer sur eux pour une prise de décision.

ESG et “double matérialité”

La collecte et l’analyse des critères ESG ont notamment pour objectif de mieux évaluer la “double matérialité” de l’organisation concernée. Ce concept associe à la matérialité financière traditionnelle (celle qui est déjà utilisée depuis des années pour estimer les risques et les opportunités pouvant avoir des conséquences sur les indicateurs financiers de l’entreprise) une “matérialité d’impact”, qui évalue les impacts environnementaux ou sociaux de l’entreprise, qu’ils soient positifs ou négatifs.

Critères ESG : la réglementation

L’un des aspects important des critères ESG, c’est la réglementation qui leur est appliquée. Celle-ci s’est nettement renforcée ces dernières années, et les obligations de reporting ESG vont aller en grandissant pour les entreprises.

Aux origine de la réglementation sur les critères extra-financiers

Les origines du concept de critères ESG remontent aux années 90. En Europe, un coup d’accélérateur est donné en 2014 avec le vote de la NFRD, une directive européenne obligeant certaines catégories d’entreprises à publier des critères ESG. Elle concerne environ 11 000 entreprises dans l’UE.

Comprendre la NFRD et la DPEF

La NFRD (pour Non Financial Reporting Directive) s’applique essentiellement aux grandes entreprises (plus de 500 salariés). Elle a été transposée dans le droit français en 2017, donnant naissance à la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière) qui s’applique aux entreprises de plus de 500 salariés, mais aussi aux entreprises cotées qui réalisent plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires (ou 20 millions d’euros de total de bilan) et aux entreprises non-cotées qui réalisent plus de 100 millions de chiffre d’affaires ou de total de bilan.

On retrouve dans la DPEF :

  • La liste des principaux risques ESG auxquels l’entreprises est confrontée.
  • Les actions mises en places pour les prévenir.
  • Les résultats chiffrés de ces actions.

Du point de vue du législateur, la DPEF est ainsi un outil de pilotage pour la stratégie de développement durable de l’entreprise et son optimisation. C’est aussi un véritable outil de communication, permettant de mettre en valeur les efforts de l’entreprise pour améliorer son impact environnemental et sociétal. Comme les critères ESG sont des données objectives et normées, ils présentent une réelle légitimité et permettent ainsi de lutter contre le greenwashing.

L’obligation déclarative concernant les critères liés à l’environnement, le social ou la gouvernance va néanmoins évoluer dans les mois qui viennent. La NFRD va en effet être remplacée par une nouvelle directive européenne, plus exigeante, la CSRD.

La CSRD : une nouvelle directive européenne

La CSRD (pour Corporate Sustainability Reporting Directive) s’applique à un plus grand nombre d’entreprises que la NFRD. Elles sont en effet près de 50 000 à être concernées par les nouvelles dispositions relatives au reporting extra-financier, contre 11 000 pour l’ancienne directive européenne. Autre différence majeure entre la CSRD et la directive précédente : la nouvelle réglementation va imposer aux entreprises de mesurer les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance qu’elles courent, mais aussi ceux qu’elles qu’elles créent. Autrement dit : c’est l’impact de l’activité de l’entreprise dans son ensemble qui devra être mesuré, y compris en intégrant les fournisseurs et sous-traitants. Le reporting ESG devra par ailleurs être audité par un acteur indépendant indépendant : commissaires aux comptes ou PSAI (prestataires de services d’assurance indépendants).

La CSRD va s’appliquer progressivement, selon le calendrier suivant :

Dès le 1er janvier 2024

À cette date, ces obligations plus contraignantes de reporting des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance s’appliqueront aux entreprises déjà concernées par la NFRD et la DPEF.

Dès le 1er janvier 2025

À cette date, les nouvelles obligations en matière de reporting ESG devront être prises en compte par toutes les entreprises qui remplissent eux des trois conditions suivantes :

  • Avoir plus de 250 salariés
  • Faire plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires
  • Réaliser plus de 20 millions d’euros de total de bilan.

Dès le 1er janvier 2026

Toutes les PME cotées en bourse qui remplissent deux des trois conditions suivantes seront concernées par les nouvelles contraintes réglementaires :

  • Avoir plus de 50 salariés
  • Faire plus de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires
  • Réaliser plus de 4 millions d’euros de total de bilan.

Certains établissements de crédit et entreprises d’assurance seront également concernés.

Dès le 1er janvier 2028

Les entreprises non-européennes réalisant plus de 150 millions de CA dans l’UE sur les deux dernières années, ou disposant d’une filiale dans l’UE remplissant cette condition entreront dans le champs des nouvelles obligations.

La CSRD dans le droit français

Comme la NFRD avant elle, la CSRD va être transposée dans le droit français. Cela devrait intervenir avant la fin de l’année. Les préparatifs s’accélèrent d’ailleurs pour anticiper cette évolution. Le haut conseil du commissariat aux comptes va ainsi devenir la haute autorité de l’audit pour mieux refléter sa nouvelle mission de certification des reporting ESG.