La CSRD : au-delà de la contrainte réglementaire, une mine d’opportunités

Par Stéphanie Biron
Le 5 juin 2024
5 min
Sommaire

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), nouvelle directive sur le reporting extra-financier, suscite de vives inquiétudes parmi les entreprises.

Et pour cause : elle introduit des standards particulièrement stricts et oblige les organisations à fournir un effort considérable de mise en conformité. Elle est donc perçue comme un véritable fardeau par de nombreuses organisations !

Mais en réalité, c’est l’arbre qui cache la forêt. 

En considérant les choses dans une perspective plus large, on se rend compte que cette directive ouvre aussi (et surtout) la voie à des opportunités inestimables pour les entreprises : bien plus qu’une simple contrainte réglementaire, la CSRD est un véritable catalyseur de changement positif.

Alors quels sont les avantages cachés de la CSRD pour les entreprises ? Qu’ont-elles concrètement à y gagner ? On vous livre notre éclairage dans cet article.

La CSRD : des exigences inédites en matière de reporting ESG 

Les nouvelles obligations des entreprises en bref

La CSRD est une directive européenne entrée en application le 1er janvier 2024, dont l’ambition est claire : permettre une lecture claire des performances extra-financière des entreprises et instaurer ainsi plus de transparence.

Concrètement, elle impose aux entreprises d’une certaine taille de publier un rapport de durabilité en suivant des normes bien spécifiques :

  • Ce rapport doit suivre les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), qui définissent précisément quelles informations doivent être publiées et quels doivent être les modes de calcul de chaque indicateur.
  • Il doit être validé par un auditeur externe, qui peut être un commissaire aux comptes (CAC), ou un organisme tiers indépendant (OTI).
  • Il doit être publié dans un format bien spécifique : le format xHTML.

Ces nouvelles exigences s'appliquent à plus de 50 000 entreprises européennes, dont 6 000 entreprises françaises, et les premières organisations concernées devront publier leur rapport de durabilité en 2025, sur l’exercice 2024 (pour plus de détails sur les types d’entreprises concernées et le calendrier complet de la CSRD, nous vous invitons à consulter notre guide complet sur la CSRD).

Une directive particulièrement contraignante pour les entreprises

La CSRD est un défi de taille pour les entreprises. Et ce, pour plusieurs raisons :

  • D’abord, il y a un vrai enjeu de compréhension, dans la mesure où la CSRD utilise un langage technocratique particulièrement complexe. Les entreprises vont donc devoir faire un gros effort de lecture et d’interprétation des textes, pour en saisir pleinement les exigences.
  • Ensuite, il y a une problématique fondamentale de gestion des données : les ESRS définissent en effet des “disclosure requirements” et des “data points” qui correspondent à tous les indicateurs que les entreprises doivent publier sur leurs performances environnementales, sociales et de gouvernance. Et le nombre de ces data points donne le vertige : la CSRD impose en effet aux entreprises de préparer et rapporter des centaines, voire des milliers d'indicateurs spécifiques, ce qui représente une tâche colossale en termes de collecte, de vérification et d'analyse des données. Pour y parvenir, elles vont devoir revoir totalement leurs process, leurs outils, et leur gouvernance. 
  • La CSRD pose par ailleurs un défi de maîtrise de la chaîne de valeur car elle exige des entreprises qu'elles assurent une transparence non seulement sur leurs propres opérations, mais également sur l'impact environnemental et social de leurs partenaires et fournisseurs. Cette exigence amplifie considérablement la complexité et l'étendue des efforts de conformité.

Bref, la CSRD exige un effort considérable de la part des entreprises, notamment des PME, qui va se traduire par des investissements et des coûts opérationnels importants.

Mais en réalité, il faut voir les choses dans une perspective plus large : ces contraintes ne sont en effet que la face visible de l'iceberg. 

Sous ces défis se cachent des opportunités immenses pour les entreprises prêtes à embrasser le changement.

La CSRD, un levier d’adoption de la culture data en entreprise

Comme évoqué, la nouvelle directive oblige les entreprises à faire de la collecte, du traitement et de l’analyse de leurs données ESG une véritable priorité stratégique. 

Et pour cela, elles n’ont pas d’autre choix que de devenir devenir résolument “data-driven”. 

C’est-à-dire qu’elles doivent ​​mettre en place des process et outils avancés pour automatiser la gestion de leurs données, et instaurer une culture organisationnelle où chaque décision est soutenue par des analyses de données rigoureuses.

Or cette approche data-driven est profondément bénéfique pour l’entreprise, et ce, bien au-delà des enjeux de durabilité.

La culture data est en effet un levier d’excellence opérationnelle à tous les niveaux de l’organisation. Elle permet de transformer chaque information en un outil de prise de décision éclairée, et rend ainsi possible un pilotage intégré de l’entreprise.

La CSRD est donc finalement une invitation à entrer pleinement dans l’ère de la data, en plaçant les données au cœur des stratégies de développement durable, et par la même occasion au cœur même des stratégies de croissance de l’entreprise.

La CSRD, un précieux outil de gestion des risques

La CSRD et les ESRS s’appuient par ailleurs sur un concept fondamental : la double matérialité

Pour résumer, les entreprises sont encouragées à évaluer à la fois :

Leur matérialité financière, ou comment les changements environnementaux et sociaux peuvent affecter leur performance business.

Leur matérialité d’impact, ou comment leurs activités influencent l’environnement et la société.

Dans l’élaboration de leur rapport de durabilité, elles doivent donc cartographier précisément leur chaîne de valeur ainsi que leurs parties prenantes, pour identifier tous les impacts ESG associés, qu’ils soient positifs ou négatifs, internes ou externes.

Qu’est-ce que cela change concrètement ? Eh bien cet exercice d’analyse basé sur un double prisme offre une vision complète et nuancée des défis futurs des entreprises en matière de durabilité. Il leur permet donc de mieux identifier (et donc de mieux anticiper) les risques auxquels elles font face.

Par exemple :

  • Dans quelle mesure leur réputation est-elle menacée si elles travaillent avec des fournisseurs peu vertueux ?
  • Quel est l’impact de leur consommation d'eau sur les communautés locales ?
  • Leur activité restera-elle assurable face aux risques climatiques ?

Grâce à la mise en œuvre de la double matérialité, l’entreprise peut ainsi se doter d'une stratégie proactive pour gérer efficacement les risques et maximiser les opportunités liées à la durabilité. 

Bien plus qu’une simple contrainte réglementaire, la CSRD est donc un levier stratégique qui permet aux entreprises de naviguer avec pérennité dans l'économie de demain, tout en renforçant leur résilience.

La CSRD, un tremplin pour faire de la durabilité un véritable avantage compétitif

La CSRD n’oblige pas les entreprises à prendre des mesures concrètes en matière de durabilité. Mais en mettant les données extra-financière sur un pied d’égalité avec les données financières en matière d’exigences de divulgation, elle facilite le pilotage de la transition durable des entreprises.

Or cette transition durable n’est pas simplement une posture idéologique pour les entreprises, c’est une stratégie de développement business pragmatique.

Les entreprises qui prendront efficacement le virage de la durabilité sont en effet celles qui :

Répondront efficacement aux nouvelles exigences du marché 

Les appels d’offres publics et privés intègrent par exemple de plus en plus de critères ESG, et les entreprises les plus vertueuses sur le sujet maximisent leurs chances de les remporter. 

Les talents sont également de plus en plus sensibles à l’engagement RSE des entreprises dans lesquelles ils travaillent. Les organisations qui se positionnent comme des exemples en matière de durabilité sont donc susceptibles d’attirer et de fidéliser les meilleurs candidats, et de mettre ainsi toutes les chances de succès de leur côté.

Tireront profit de nouvelles opportunités de marché

Les consommateurs sont de plus demandeurs de produits “verts” ou socialement responsables. En se plaçant en précurseurs sur ces segments de marché, les entreprises peuvent donc saisir des parts de marché significatives, et stimuler leur croissance commerciale à long terme.

Enfin, les acteurs financiers sont de plus en plus nombreux à allouer des financements spécifiques aux entreprises qui démontrent un engagement fort envers la durabilité. En alignant leur stratégie d’affaires avec les principes ESG, les entreprises peuvent donc accéder à des conditions de financement plus favorables, et bénéficier ainsi d’un avantage compétitif crucial dans le financement de leur croissance et de leurs innovations durables.

Bref, la transition durable des entreprises est un véritable levier de création de valeur sur le long terme. Et la CSRD en est un outil stratégique.

Pour conclure, il est indéniable que la CSRD représente un poids pour les entreprises, qui se voient obligées de se lancer dans un processus de mise en conformité long et complexe. Mais elle leur ouvre aussi la voie vers une croissance responsable et durable, qui devient tout simplement incontournable dans le paysage économique actuel.