Pas de stratégie de durabilité solide sans une gouvernance exemplaire ! Longtemps admis comme un principe de consensus, ce constat est désormais une exigence légale avec la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), entrée en vigueur en 2024.
Cette nouvelle réglementation exige en effet des entreprises qu’elles rendent des comptes sur des enjeux tels que leur conduite des affaires, leur gestion des risques et leur contrôle interne.
Les exigences sont définies plus précisément par la norme ESRS G1, qui fixe des règles précises de divulgation d'informations en matière d’éthique, de lutte contre la corruption, ou encore de pratiques de paiement… Découvrons ensemble les exigences clés de cette norme incontournable.
Comprendre les bases de l’ESRS G1 de gouvernance
Au fait, qu’est-ce que la gouvernance ?
La gouvernance d’entreprise peut être définie comme la manière dont une organisation est dirigée et contrôlée. Elle repose sur un ensemble de mécanismes, de processus et de règles qui structurent la prise de décision, l’exercice des responsabilités, et la gestion des risques.
En pratique, la gouvernance répond à des questions fondamentales pour assurer le bon fonctionnement de l’entreprise :
- Qui décide : quelle est la structure de pouvoir et comment les rôles sont répartis ?
- Comment les décisions sont-elles prises : quels processus garantissent que les décisions respectent les objectifs stratégiques et les valeurs de l’entreprise ?
- Comment les parties prenantes sont-elles impliquées : quelle place est donnée aux actionnaires, employés, clients, et autres groupes concernés dans les mécanismes de gouvernance ?
- Comment les risques sont-ils gérés : quelles mesures sont mises en place pour garantir la pérennité et la conformité de l’entreprise face aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux ?
Le rôle de la gouvernance dans la stratégie de durabilité
À première vue, le lien entre la gouvernance et la durabilité peut sembler flou. Mais en réalité, il est fondamental. Sans une gouvernance solide, transparente et responsable, les engagements environnementaux et sociaux d’une entreprise risquent en effet de rester au stade des intentions. On pourrait même dire que la gouvernance est le pilier qui soutient toute stratégie de durabilité : c’est elle qui définit les mécanismes de contrôle, la prise de décision et les responsabilités nécessaires pour concrétiser ces engagements et assurer leur suivi.La gouvernance à travers le prisme de la CSRDLa directive CSRD, entrée en vigueur en 2024, a marqué une étape décisive dans la réglementation européenne du reporting ESG (Environnement, Social, Gouvernance), et la gouvernance y occupe une place centrale, à travers la norme ESRS G1. Cette norme définit des exigences de reporting précises, couvrant des thématiques aussi variées que l’éthique des affaires, la gestion des risques, les pratiques de paiement, et l’influence politique.L’ESRS G1 n’est toutefois pas une norme isolée. Elle s’inscrit en réalité dans un système global de normes ESRS, qui comprend :
- Des normes transversales : les ESRS 1 et ESRS 2, qui définissent les principes généraux et les divulgations obligatoires communes à toutes les entreprises.
- Des normes thématiques qui, en plus des exigences liées à la gouvernance avec la norme ESRS G1, couvrent les informations à publier sur le volet environnemental (les normes ESRS E) et le volet social (les normes ESRS S).
- Des normes sectorielles, encore en cours d’élaboration, qui seront dédiées aux spécificités de certains secteurs d’activité.
Mais passons à présent aux exigences spécifiques de cette norme ESRS G1 et à ce qu’elle implique concrètement pour les organisations.
Informations de gouvernance : les exigences détaillées de l’ESRS G1
En pratique, la norme ESRS G1 oblige les entreprises à rendre des comptes de manière structurée, en fournissant des informations standardisées qui permettent la comparabilité entre organisations. Ces informations sont structurées autour de 6 “Disclosure Requirements” (DR) ou exigences de divulgation.
DR 1 : culture d’entreprise et politiques de conduite des affaires
La norme impose aux entreprises de présenter leurs politiques de conduite des affaires ainsi que les mesures mises en place pour promouvoir une culture éthique. Cela inclut :
- Les politiques sur la prévention des comportements illicites.
- La protection des lanceurs d’alerte et les mécanismes de signalement.
- Les formations internes sur l’éthique, la lutte contre la corruption et le bien-être animal.
DR 2 : gestion des relations avec les fournisseurs
Cette exigence porte sur la manière dont les entreprises gèrent leur chaîne d’approvisionnement et les impacts de celle-ci sur la durabilité. Les entreprises doivent divulguer :
- Leurs politiques de paiement, en particulier envers les PME, généralement plus fragiles.
- Les critères sociaux et environnementaux utilisés pour sélectionner leurs fournisseurs.
- Les actions entreprises pour évaluer et limiter les risques liés à leurs fournisseurs.
DR 3 : prévention et détection de la corruption
Les entreprises doivent démontrer leurs efforts pour prévenir et détecter la corruption et les pots-de-vin. À savoir :
- La formation des salariés, des dirigeants et des fournisseurs sur la lutte contre la corruption.
- Les processus internes pour enquêter et agir en cas d’allégations de corruption.
- Les statistiques sur la portée des formations, par exemple le pourcentage des employés à risque ayant suivi une formation).
DR 4 : incidents confirmés de corruption et de pots-de-vin
La norme ESRS G1 impose aux entreprises de rapporter les éventuels incidents de corruption confirmés durant la période de reporting. Cela inclut :
- Le nombre d’incidents confirmés.
- Les condamnations et amendes associées.
- Les impacts sur l’entreprise, comme des ruptures de contrats ou des sanctions réglementaires.
DR 5 : influence politique et activités de lobbying
Cette exigence impose une transparence totale sur les engagements politiques et de lobbying des entreprises. Ces dernières doivent en effet publier :
- Les contributions financières ou en nature versées à des partis politiques ou à des représentants élus.
- Les montants investis dans le lobbying et les sujets soutenus.
- Les politiques encadrant ces activités et les procédures internes associées.
DR 6 : pratiques de paiement
Les entreprises doivent fournir des informations détaillées sur leurs pratiques de paiement, notamment :
- Le délai moyen de paiement des factures.
- Le pourcentage des paiements réalisés dans les délais légaux.
- Les procédures judiciaires en cours pour retard de paiement et leur impact, en particulier pour les PME.
Pour conclure, grâce à l’ESRS G1 et ses 6 DR, les entreprises disposent d’un outil méthodologique clé pour aligner leur gouvernance sur les attentes croissantes des régulateurs, des investisseurs et des citoyens. C’est un levier stratégique pour intégrer l’éthique, la transparence et la responsabilité au cœur de leur modèle d’affaires.L’adoption de cette norme est en effet bien plus qu’une obligation : c’est une opportunité de construire une gouvernance solide, résiliente et en phase avec les exigences d’un monde en transition !