La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) marque un tournant majeur dans les exigences de transparence pour les entreprises européennes. En renforçant les obligations de reporting extra-financier, elle impose en effet une rigueur renforcée dans la communication des impacts ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et des politiques de durabilité.
Mais quelles sont les exigences concrètes qui s’imposent aux entreprises concernées ? On fait le point dans cet article.
L’essentiel de la CSRD
La directive CSRD est un texte adopté par l'Union Européenne fin 2022 et entré en application début 2024, qui fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier.
Les objectifs de cette nouvelle réglementation sont clairs : accroître la transparence, harmoniser les pratiques, et encourager une transition vers des modèles économiques plus durables.
Elle concerne les grandes entreprises et les PME cotées en bourse, et son entrée en vigueur est prévue en 4 temps :
- 2025 : application aux grandes entreprises qui étaient déjà soumises à la directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive). Ces entreprises seront les premières à devoir se conformer aux nouvelles normes et publier leurs premiers rapports en 2025, sur leur exercice 2024.
- 2026 : extension de l'obligation de reporting aux grandes entreprises qui répondent à certains critères.
- 2027 : inclusion des PME cotées sur un marché réglementé européen.
- 2028 : application aux autres grandes entreprises non européennes qui remplissent certaines conditions.
Bien que les petites et moyennes entreprises non cotées ne soient pas soumises à l’obligation, elles pourront, si elles le souhaitent, se conformer à un standard simplifié de reporting.
Les nouvelles obligations réglementaires imposées par la CSRD
La publication d’un rapport de durabilité annuel, au format standardisé
La nouveauté centrale de la CSRD est l’obligation, pour les entreprises, de partager leurs informations ESG dans un rapport annuel unique.
Ce rapport devra être publié dans un format numérique standardisé, basé sur le langage XHTML, pour garantir une interopérabilité et une accessibilité complète aux données de durabilité.
L’objectif ? Faire en sorte que les investisseurs, régulateurs, et même le grand public puissent extraire et analyser facilement les informations, en effectuant par exemple des comparaisons avec celles d’autres entreprises.
L’intégration du concept de double matérialité
La CSRD impose par ailleurs que ce reporting de durabilité repose sur un principe phare : celui de la double matérialité.
Il s’agit de rendre compte de deux aspects cruciaux :
- L'impact de l'entreprise sur l'environnement et la société (la matérialité d’impact) : comment ses activités influencent-elles le climat, la biodiversité, les communautés locales ? Cette perspective oblige les entreprises à mesurer et communiquer l'empreinte réelle de leurs actions sur le monde qui les entoure.
- Les risques environnementaux et sociaux qui pèsent sur l'entreprise elle-même (la matérialité financière) : en plus de l’impact qu’elles génèrent, les entreprises doivent évaluer comment des enjeux comme le changement climatique, les évolutions réglementaires ou les tendances sociales affectent leur propre performance, leur résilience et leurs perspectives de croissance.
Cette approche rend le reporting plus complet et plus stratégique, obligeant les organisations à intégrer ces deux dimensions complémentaires dans leur vision à long terme.
Elle offre par ailleurs une vision plus nuancée et plus réaliste de la durabilité de chaque entreprise, en révélant à la fois ses impacts et sa capacité à faire face aux défis de demain.
L’utilisation de normes de reporting strictes
Au-delà de ce principe de double-matérialité, les entreprises sont tenues d’élaborer leur rapport de durabilité en suivant un cadre rigoureusement défini.
Elles devront en effet suivre les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), qui définissent avec précision les domaines à couvrir en matière d’environnement, de social et de gouvernance (ESG), ainsi que les indicateurs à utiliser et les modes de calcul associés.
De quoi standardiser la manière dont les entreprises européennes communiquent leurs informations extra-financières.
La certification par un tiers
Pour garantir la crédibilité des informations ESG publiées, la CSRD impose enfin une certification par un tiers indépendant. Autrement dit, les entreprises ne pourront plus simplement déclarer leurs données extra-financières : elles devront les faire valider par un contrôleur externe.
Deux grands types d’acteurs seront habilités à le faire :
- Les commissaires aux comptes (CAC)
- Les organismes tiers indépendants (OTI)
Cette exigence marque un tournant dans le reporting de durabilité. Elle assure en effet que les données communiquées répondent aux standards de rigueur et de transparence requis par la CSRD, réduisant les risques de “greenwashing” et renforçant la confiance des investisseurs, régulateurs et du public.
Le cadre de conformité de la CSRD
Des sanctions en cas de non-respect des nouvelles exigences
Pour garantir le respect des nouvelles obligations de transparence, la directive CSRD prévoit des sanctions en cas de non-conformité. Bien que les modalités précises puissent varier d’un État membre à l’autre, plusieurs types de sanctions sont envisagés :
- Amendes financières : les entreprises pourront être pénalisées financièrement si elles omettent de fournir les informations exigées ou si elles communiquent des données inexactes.
- Obligations de correction : des injonctions pourront obliger les entreprises à corriger leurs rapports pour répondre aux exigences de la directive.
- Publication des manquements : dans certains cas, les régulateurs pourront rendre publics les manquements à la directive, exposant ainsi la réputation de l’entreprise.
Des obligations de transparence sans objectifs de performance
Pour finir, il est essentiel de noter que la CSRD repose sur des obligations exclusivement déclaratives.
Les entreprises ne sont pas tenues d’atteindre des objectifs de performance spécifiques en matière d’impact environnemental, social ou de gouvernance, elles doivent simplement communiquer de manière transparente et précise sur ces aspects.
Cela dit, l’obligation de transparence crée une pression indirecte : en rendant leurs données publiques, les entreprises se retrouvent sous le regard des investisseurs, des consommateurs et des régulateurs. Leur réputation étant en jeu, elles sont incitées à améliorer leurs pratiques de manière proactive.
La CSRD vise donc à instaurer un cercle vertueux, où les entreprises se mobilisent pour répondre aux attentes sociétales, non par contrainte mais par engagement volontaire !