Pourquoi les banques scrutent-elles de plus en plus les critères ESG des entreprises avant de leur octroyer un prêt ?

Par Françoise Mercadal-Delasalles
20 mars 2025
4 min
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Obtenir un prêt bancaire n’est plus seulement une question de solidité financière. Désormais, les entreprises doivent aussi démontrer leur engagement ESG (Environnement, Social, Gouvernance) pour accéder aux financements. Et la tendance ne cesse de s’intensifier, sous l’impulsion des régulateurs, des investisseurs et des banques elles-mêmes.

Alors pourquoi cet intérêt croissant pour les critères ESG dans le monde bancaire ? Quels impacts sur l’octroi de prêts aux entreprises ? Et comment s’y préparer ? Décryptage d’une évolution qui transforme l’accès au financement.

Pourquoi les critères ESG sont-ils devenus un enjeu clé pour les banques ?

Un cadre réglementaire de plus en plus contraignant

L’intégration des critères ESG dans les décisions de financement des banques est d’abord poussée par la réglementation. Les établissements financiers sont en effet soumis à des exigences de plus en plus strictes pour garantir la transparence et l’alignement de leurs financements avec les objectifs environnementaux et sociaux fixés par l'Union Européenne.

Deux réglementations majeures façonnent cette évolution :

  • La taxonomie européenne, qui classe les activités économiques en fonction de leur contribution aux objectifs environnementaux et sociaux. Les banques doivent démontrer que leurs financements s’inscrivent dans une démarche durable.
  • Le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), qui impose aux acteurs financiers une plus grande transparence sur l’impact ESG de leurs investissements et produits financiers.

Une nouvelle grille d’analyse des risques

Les entreprises sont elles aussi confrontées à des réglementations de plus en plus exigeantes en matière d’ESG : le devoir de vigilance, la directive CSRD sur le reporting extra-financier (en cours d’amendement), le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières… sans parler de toutes les réglementations sectorielles.

Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions importantes, ainsi qu’une dégradation de l’image des entreprises. Face à ce risque, les banques intègrent de plus en plus les critères ESG dans leur analyse pour s’assurer de financer des organisations conformes.

Mais le risque ne s’arrête pas à la réglementation. L’ESG est en effet devenu un outil clé d’évaluation de la viabilité économique des entreprises. Une entreprise qui néglige les enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance peut en effet voir sa compétitivité et sa rentabilité menacées. 

Par exemple :

  • Sur le plan environnemental : une forte dépendance aux énergies fossiles ou une mauvaise gestion des ressources peut exposer l’entreprise à des coûts croissants (taxes carbone, hausse des prix des matières premières, nouvelles normes de conformité…).
  • Sur le plan social : des mauvaises conditions de travail, des atteintes aux droits humains ou un manque de diversité peuvent générer des tensions internes, des conflits sociaux et nuire à l’attractivité de l’entreprise auprès des talents et des partenaires commerciaux.
  • Sur le plan de la gouvernance : des pratiques non éthiques, un manque de transparence ou des failles dans la gestion des risques peuvent conduire à une instabilité financière, voire à des scandales impactant directement la réputation et la valorisation de l’entreprise.

En intégrant ces critères dans leurs décisions de financement, les banques cherchent ainsi à limiter leur propre exposition aux risques ESG et à privilégier les entreprises les plus résilientes.

Un engouement grandissant pour la “finance durable”

Enfin, les banques font face à une pression croissante de leurs parties prenantes (investisseurs, actionnaires, clients et institutions publiques) pour intégrer davantage les critères ESG dans leurs stratégies de financement. Les attentes évoluent et la finance durable devient en effet un pilier essentiel du secteur bancaire.

Les investisseurs institutionnels privilégient de plus en plus les placements responsables et demandent aux banques d’aligner leurs portefeuilles de prêts avec des engagements climatiques et sociaux.

Dans ce contexte, les banques doivent démontrer qu’elles financent des entreprises engagées dans une transition durable pour améliorer leur propre notation ESG et renforcer leur attractivité auprès des marchés financiers.

Cette dynamique s’accompagne d’un essor rapide de nouveaux produits financiers, comme les “prêts verts” ou “green loans”, destinés exclusivement à financer des projets à impact positif sur l’environnement, ou encore les sustainability-linked loans (SLLs), dont les conditions évoluent en fonction des performances ESG de l’entreprise emprunteuse. 

Comment les critères ESG influencent les décisions d’octroi de prêts ?

Un impact direct sur les conditions de financement

Les critères ESG ne sont plus seulement un indicateur de bonne gouvernance : ils déterminent directement l’accès aux financements des entreprises, ainsi que leurs conditions.

Les entreprises bien notées en ESG ont plus de chances d’obtenir un crédit, car elles sont perçues comme plus résilientes et mieux préparées aux évolutions réglementaires et économiques. Un bon score ESG peut par ailleurs permettre de négocier des taux d’intérêt plus bas, des garanties réduites ou des échéances plus souples.

À l’inverse, les entreprises jugées à risque, par exemple celles dont l’activité repose sur les énergies fossiles, l’industrie lourde ou les activités fortement polluantes, font face à des restrictions de financement, des exigences de garanties plus élevées ou des taux d’intérêt majorés.

L’essor des notations ESG dans l’évaluation des entreprises

Les banques utilisent de plus en plus les scores ESG pour objectiver l’évaluation des risques et comparer les entreprises entre elles. Elles s’appuient souvent sur des notations standardisées pour objectiver leur évaluation des entreprises et ajuster leurs décisions de financement.

L’analyse de ces scores ESG est désormais une étape de plus en plus systématique dans l’étude des demandes de prêt. Les labels et certifications ESG jouent par ailleurs un rôle clé dans la perception du risque bancaire : une entreprise qui obtient une certification reconnue, comme ISO 14001, EcoVadis ou B Corp, démontre une démarche proactive en matière de durabilité. Ces labels apportent une garantie de conformité et de transparence, ce qui rassure les banques et peut favoriser des conditions de financement plus avantageuses.

L’impact des notations ESG varie toutefois selon les secteurs et la taille des entreprises. Les grandes entreprises sont soumises à des obligations de reporting ESG plus strictes et doivent démontrer une stratégie de durabilité robuste pour rester compétitives. Pour les PME, la pression réglementaire est évidemment moins forte, mais l’adoption de bonnes pratiques ESG devient un atout essentiel pour séduire les investisseurs et accéder plus facilement aux financements.

Comment les entreprises peuvent s’adapter pour sécuriser leurs financements ?

Pour garantir leur accès aux financements et obtenir des conditions avantageuses, les entreprises ont donc tout intérêt à intégrer l’ESG au cœur même de leur stratégie. 

Cela passe par plusieurs actions clés :

  • Prioriser les enjeux ESG en réalisant une analyse de double matérialité pour identifier les risques et opportunités les plus pertinents.
  • Définir des indicateurs de suivi et des objectifs mesurables, afin de structurer une démarche ESG crédible et alignée avec les attentes des financeurs.
  • Renforcer la transparence et le reporting ESG, en publiant des données claires et conformes aux standards attendus par les banques et investisseurs.

Une chose est sûre pour conclure : les entreprises qui adoptent dès à présent une approche ESG proactive mettent toutes les chances de leur côté pour sécuriser plus facilement leurs financements et obtenir de meilleures conditions. En établissant un dialogue clair avec les banques sur leurs enjeux extra-financiers, elles transforment ainsi une contrainte en véritable levier de compétitivité !