Principes clés, entreprises concernées, dates… le guide complet sur la CSRD

Par Stéphanie Biron
Le 5 juin 2024
10 min
Sommaire

Principes clés, entreprises concernées, dates… le guide complet sur la CSRD

Un vent nouveau souffle sur le reporting extra-financier en Europe : une nouvelle directive, entrée en application le 1er janvier 2024, redéfinit en effet profondément la manière dont les entreprises doivent communiquer sur leur impact environnemental, social, et de gouvernance.

Cette directive, c’est la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), un texte qui promet de marquer un véritable tournant dans la communication ESG des entreprises.

Quelles innovations introduit-elle dans le paysage du reporting extra-financier ? Quels défis et opportunités représente-t-elle pour les entreprises ? Et en quoi ouvre-t-elle la voie à une économie plus durable et inclusive ?

Nous vous livrons toutes les réponses dans cet article, qui se veut un panorama complet sur la CSRD. Au sommaire :

  • Définition et contexte d’adoption de la CSRD
  • Fondamentaux de cette nouvelle directive : ESRS, double matérialité…
  • Champ d’application et entreprises concernées
  • Feuille de route pour les entreprises qui doivent se préparer à la CSRD
  • Opportunités de cette nouvelle réglementation

Après avoir lu cet article, vous serez incollables sur cette nouvelle directive !

Qu’est-ce que la CSRD ?

Une nouvelle réglementation sur le reporting extra-financier

La CSRD est une directive de l'Union Européenne qui vise à standardiser et améliorer la publication d'informations relatives à la durabilité des entreprises. Elle encadre donc la manière dont les entreprises rendent des comptes sur leur impact environnemental, social et de gouvernance.

Elle a été adoptée dans le contexte du “Green Deal européen”, également appelé “pacte vert pour l’Europe”, un ensemble de mesures qui visent à engager l'UE sur la voie de la transition écologique.

La CSRD vise plus concrètement à atteindre plusieurs objectifs :

  • Établir un cadre commun pour renforcer la fiabilité des données rapportées et  faciliter la comparaison entre les entreprises au sein de l'UE.
  • Améliorer la transparence sur la performance ESG réelle des entreprises, pour fournir aux investisseurs, aux consommateurs et à d'autres parties prenantes des informations fiables.
  • Encourager les entreprises à intégrer les considérations de durabilité dans leurs stratégies d'entreprise et leur prise de décision.
  • Soutenir les efforts de l'UE pour atteindre ses objectifs de développement durable, en assurant que les entreprises y jouent un rôle actif.

Chronologie de l’adoption de la CSRD

Voici un petit résumé du processus législatif qui a mené à l’adoption de la CSRD, en 5 dates clés :

Avril 2021 : la Commission européenne propose la CSRD, qui se veut une révision ambitieuse d’une réglementation existante, la NFRD (Non Financial Reporting Directive).

2021-2022 : l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), un groupe consultatif européen sur l’information financière, est mandaté pour travailler sur l'élaboration des normes de reporting de durabilité de la CSRD. Il consulte donc diverses parties prenantes, telles que des entreprises, des investisseurs, des organisations non gouvernementales et des experts en durabilité, et fait des propositions.

Décembre 2022 : après plusieurs mois de négociations politiques et d’évolution du texte, la directive est publiée au Journal officiel de l’UE, fin décembre 2022.

Décembre 2023 : la directive est transposée dans le droit français.

1er janvier 2024 : la directive entre en application pour certains types d’entreprises (tous les détails un peu plus loin !).

La CSRD, une directive qui remplace la NFRD en Europe

La CSRD succède à une autre directive sur le reporting extra-financier : la NFRD, qui avait été adoptée en 2014 et qui était entrée en application en 2017.

Pourquoi ce changement de cadre règlementaire ? Avec la CSRD, l’UE a voulu aller plus loin en matière d’exigence de transparence et de responsabilité des entreprises, et adresser les faiblesses de la CSRD.

Parmi les principales différences entre la CSRD et la NFRD, on note surtout :

  • Un champ d'application élargi : la CSRD étend significativement le nombre d'entreprises tenues d'effectuer un reporting extra-financier par rapport à la NFRD. Leur nombre devrait en effet passer d’environ 11 700 à plus de 50 000.
  • Des normes de reporting plus strictes : la CSRD impose un reporting plus standardisé et plus exigeant que la NFRD.
  • Une exigence de certification par un tiers : la CSRD introduit un contrôle externe des reportings. Ils devront en effet être soumis à des commissaires aux comptes (CAC), ou à des organismes tiers indépendants (OTI).

Les grands principes de la CSRD

Trois niveaux de reporting

La CSRD introduit une approche structurée du reporting, qui s’articule autour de 3 niveaux distincts, qui visent à garantir des rapports à la fois pertinents pour les différentes parties prenantes et adaptés aux spécificités de chaque entreprise.

Ces 3 niveaux sont :

  • Un socle général, commun à toutes les entreprises, régi par les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), et par le principe de double matérialité (détails à suivre).
  • Des informations sectorielles, qui seront définies par des publications spécifiques à chaque secteur d’activité, à partir de juin 2024.
  • Des indicateurs individualisés, que chaque entreprise est libre de choisir selon sa situation et ses initiatives individuelles.

Les ESRS, nouvelles normes de reporting

Les ESRS sont les normes standardisées de reporting extra-financier de la CSRD, c'est-à-dire les critères de durabilité sur lesquels les entreprises européennes devront communiquer. 

Un premier lot de 12 normes a été publié au Journal officiel de l’UE fin juillet 2023 :

  • 2 normes “transversales” : 

ESRS 1 Exigences générales (“General Requirement”)

ESRS 2 Informations générales (“General disclosures”)

  • 5 normes en lien avec le volet environnemental : 

ESRS E1 Changement climatique

ESRS E2 Pollution

ESRS E3 Ressources marines et en eau 

ESRS E4 Biodiversité et écosystèmes​​

ESRS E5 Utilisation des ressources et économie circulaire

  • 4 normes en lien avec le volet social : 

ESRS S1 Main d’oeuvre de l’entreprise

ESRS S2 Employés de la chaîne de valeur 

ESRS S3 Communautés concernées.

ESRS S4 Consommateurs et utilisations

  • 1 norme en lien avec la gouvernance : 

ESRS G1 Conduite commerciale

La double matérialité

La CSRD introduit un concept fondamental qui marque un tournant dans la manière dont les entreprises évaluent leur impact et leurs performances : la double matérialité. 

Elle consiste à prendre en compte deux perspectives complémentaires dans le reporting extra-financier :

Les impacts positifs et négatifs des enjeux environnementaux et sociaux sur l’activité et les performances business de l'entreprise : c’est ce qu’on appelle la “matérialité financière”.

Les impacts positifs et négatifs de l'entreprise sur l'environnement et la société : c’est ce qui correspond à la “matérialité d’impact”.

Cette notion de double matérialité est une vraie nouveauté dans la mesure où jusqu’à présent, seule la matérialité financière était prise en compte dans les cadres de reporting traditionnels. 

En élargissant le champ du reporting pour inclure également la matérialité d’impact, la CSRD met en lumière la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets de leurs actions sur le monde extérieur, et les pousse donc à adopter une vision plus globale de leur rôle dans la société et face aux défis environnementaux. 

Le champ d’application et les échéances de la CSRD

Quelles sont les entreprises concernées ?

Contrairement à la NFRD, qui était limitée aux entreprises de plus de 500 salariés, la CSRD s'étend à un spectre bien plus large d'entreprises.

On peut les catégoriser en 3 groupes :

Les entreprises cotées sur les marchés réglementés européens, y compris les PME, à partir du moment où elles dépassent 2 des 3 seuils suivants :

  • Un bilan de 350 000 euros
  • Un chiffre d’affaires net de 700 000 euros
  • 10 salariés (en moyenne sur l’exercice)

A noter : les micro-entreprises identifiées par la directive Comptable sont exclues.

Les grandes entreprises et PME européennes (cotées ou non), qui réunissent 2 des 3 conditions suivantes :

  • Un bilan supérieur à 20 millions d’euros
  • Un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros
  • Plus de 250 salariés

Les sociétés non-européennes ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150 millions d’euros sur le marché de l’UE. Les filiales de ces groupes sont également concernées : elles devront fournir un reporting consolidé sur la démarche RSE de leur maison mère.

Au total, ce sont environ 6 000 entreprises françaises qui sont concernées par la CSRD, et 50 000 entreprises européennes !

Les entreprises qui ne rentrent dans aucun de ces 3 groupes sont par ailleurs encouragées à publier un reporting extra-financier en suivant les normes de la directive européenne, de manière volontaire.

Quel est le calendrier de mise en conformité de la CSRD ?

La mise en application de la CSRD va se faire de manière progressive, pour que les entreprises puissent avoir le temps de s’adapter à cette nouvelle réglementation. Elle s’échelonnera de 2024 à 2028 en 4 phases successives.

Tableau récapitulatif :

tableau des dates de mise en application de la CSRD

Quelles sont les sanctions en cas de non-application de la CSRD ?

Le soin de définir les sanctions pour non-application de la CSRD a été confié à chaque État-membre de l’UE. Le texte de la Commission Européenne précise simplement que les mesures prévues doivent être “effectives, proportionnées et dissuasives”.

En France, c’est l'ordonnance du 6 décembre 2023 de transposition de la directive qui a fixé ces sanctions :

  • 3 750 euros d’amende en cas de non publication du rapport ou de publication d’informations partielles ou erronées.
  • 30 000 euros d’amende et jusqu'à 2 ans d'emprisonnement en cas de non audit du rapport extra-financier.
  • 75 000 euros d’amende et jusqu'à 5 ans d'emprisonnement en cas d'entrave aux vérifications ou contrôles des auditeurs.

Comment les entreprises doivent se préparer à la CSRD 

La CSRD : un défi pour les entreprises ?

Les entreprises soumises à la CSRD doivent surmonter tout un éventail de problématiques. Parmi lesquelles :

Une certaine complexité règlementaire : la conformité commence par la compréhension des textes de la CSRD. Les entreprises doivent se plonger dans les détails des textes législatifs pour transformer ce qui peut sembler être un labyrinthe réglementaire en une feuille de route claire de leurs obligations.

Une vision incomplète de la chaîne de valeur : la CSRD exige des entreprises une parfaite maîtrise de leur matérialité financière et de leur matérialité d’impact. Or, il existe encore beaucoup d’angles morts sur ces sujets au sein des entreprises, notamment au regard de leurs partenaires et fournisseurs.

Des outils et des process inadaptés : beaucoup d’entreprises, notamment de petite taille, collectent et analysent encore leurs données ESG de manière très artisanale, en utilisant de simples fichiers Excel. Pour respecter les exigences de la CSRD, elles doivent donc changer leur culture de reporting, et investir dans des systèmes d’automatisation et de traitement de la donnée.

La mise en conformité à la CSRD est donc un véritable défi pour les entreprises, et tout particulièrement pour les PME, qui sont encore peu préparées. La CPME (Confédération des PME) a même décrit la nouvelle directive comme un “fardeau normatif”...

Anticiper les échéances et les nouvelles obligations de reporting extra-financier

Les entreprises concernées par la CSRD ont tout intérêt à se préparer bien en amont de la date à laquelle elles devront présenter leur premier reporting, pour favoriser une transition en douceur et minimiser les risques de non-conformité.

Voici un aperçu des étapes clés de ce processus de mise en conformité :

  • Commencer par se familiariser en profondeur avec les exigences de la CSRD. 
  • Constituer une équipe projet et fixer un calendrier de mise en œuvre.
  • Identifier les enjeux ESG de l’entreprise, tout au long de sa chaîne de valeur.
  • Identifier les données ESG à collecter au regard des ESRS.
  • Collecter et centraliser les données dans un outil d’analyse.
  • Sélectionner un organisme tiers indépendant (OTI) qualifié pour le contrôle des rapports de durabilité.
  • Publier le reporting.

Ces différentes étapes assurent non seulement à l’entreprise de se mettre en conformité en temps et en heure, et d’éviter ainsi les sanctions, mais renforcent aussi sa crédibilité et sa transparence auprès de toutes ses parties prenantes (investisseurs, employés, partenaires…).

Miser sur des outils et partenaires performants

L’étape qui s’annonce comme la plus délicate pour les entreprises, dans cette démarche de préparation à la CSRD, est celle de la gestion des données ESG. Elle requiert en effet une approche structurée, qui passe par l'identification de sources de données pertinentes, ainsi que par la mise en place de systèmes efficaces de collecte et de traitement. 

Pour relever ce défi de la donnée, les entreprises vont avoir besoin de :

  • S'appuyer sur des outils robustes comme Auxo Dynamics, qui intègre toutes les exigences des normes de la CSRD, et qui est capable de gérer la complexité des données ESG.
  • Se faire accompagner par des experts en stratégie de collecte de données, qui maîtrisent parfaitement les exigences du reporting extra-financier et de la nouvelle directive.

La CSRD : une opportunité pour les entreprises ?

La CSRD est évidemment une contrainte réglementaire, mais elle est aussi une formidable opportunité pour les entreprises de se réinventer et de s'affirmer en tant que leaders de la transformation durable. Elle permet en effet de faire du reporting extra-financier un véritable outil de pilotage stratégique, et d’aider ainsi les entreprises à se distinguer par leurs pratiques RSE.

Les bénéfices, à terme, sont nombreux : 

Un renforcement de l'image de marque : en adoptant une communication plus transparente sur leurs pratiques durables, les entreprises peuvent renforcer leur réputation et leur attractivité auprès des consommateurs et des employés, de plus en plus conscients de l'environnement.

Une meilleur attractivité vis-à-vis des investisseurs : les rapports détaillés sur la durabilité peuvent attirer des investisseurs qui privilégient désormais les placements responsables et durables.

Un gain en innovation et compétitivité : l'alignement sur les normes de la CSRD peut stimuler l'innovation en interne, conduisant à de nouveaux produits ou services responsables, qui peuvent aller jusqu’à offrir un avantage concurrentiel à l’entreprise.

Une gestion des risques plus efficace : une meilleure compréhension et communication des enjeux ESG aide à anticiper et gérer les risques liés au changement climatique, à la gouvernance et aux questions sociales.

Une amélioration de la communication de l’entreprise : en devenant plus “data centric” et en mesurant davantage ses actions, l’entreprise peut en effet communiquer plus efficacement auprès de l’ensemble de ses parties prenantes.

En se conformant à la CSRD, les organisations ne se contentent donc pas de répondre à un impératif légal. Elles embrassent une vision d'avenir durable, et se positionnent comme des acteurs clés du changement !