À peine quelques années après son entrée en vigueur, la NFRD laisse déjà place à la CSRD, nouvelle réglementation européenne en matière de reporting extra-financier. La DPEF est donc balayée par de nouvelles règles qui s’appliquent depuis le 1er janvier 2024, et les entreprises sont sommées de s'y adapter sans plus attendre.
Si à la lecture de ces lignes, vous vous sentez noyé entre les acronymes et perplexe face à la complexité des évolutions réglementaires, vous êtes au bon endroit !
Dans cet article, nous décryptons pour vous les nouvelles exigences sur le reporting extra-financier, et nous vous faisons un récap complet de ce que cela change concrètement pour les entreprises.
NFRD, DPEF, CSRD : de quoi parle-t-on ?
La NFRD, ancienne réglementation européenne sur le reporting extra-financier
La NFRD, Non-Financial Reporting Directive pour les intimes, est une directive européenne adoptée en 2014 et entrée en application en 2017. Elle est codifiée dans la Directive 2014/95/UE.
A l’époque de son adoption, elle représentait une avancée significative, puisqu’elle était la première réglementation à fixer un cadre concret pour inciter les entreprises à divulguer des informations sur leurs impacts environnementaux et sociaux, ainsi que les risques associés.
L’objectif était simple : améliorer la transparence, notamment auprès des investisseurs, des clients, et de la société dans son ensemble.
La DPEF, mise en application de la NFRD
La DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière) est le dispositif spécifique qui a été mis en place en France pour faire appliquer la NFRD aux entreprises.
Elle est le fruit de l’ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 et du décret n° 2017-1265 du 9 août 2017, qui ont permis à la France de transposer la directive européenne, et elle a été définie dans les articles L. 225-102-1 et R. 225-104 à R. 225-105-2 du Code de commerce.
Concrètement ? La DPEF est un document que les entreprises soumises à la NFRD devaient publier dans leur rapport de gestion. Elle visait à fournir une vue d'ensemble complète et détaillée de l'approche et des performances de l'entreprise en matière de durabilité et de responsabilité sociale.
Parmi les infos clés qui devaient y figurer, on peut noter :
- Les impacts environnementaux de l’entreprise
- Les impacts sociaux et sociétaux
- Les engagements en matière de respect des droits de l’Homme
- Les actions en faveur de la lutte contre la corruption
La CSRD, nouvelle norme de reporting extra-financier
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est en quelque sorte la “petite sœur” de la NFRD ! Plus ambitieuse et plus exigeante, elle remplace la précédente directive, et marque un engagement plus fort de l'Union Européenne dans la lutte contre le changement climatique et la promotion d'une économie durable, dans le cadre du Green Deal européen.
Proposée par la Commission Européenne en avril 2021 et adoptée en décembre 2022, elle représente un véritable changement de paradigme en matière de reporting extra-financier.
En fait, si on devait résumer : la NFRD a posé les premiers jalons, la DPEF en a incarné une première mise en œuvre, et la CSRD constitue un passage à la vitesse supérieure.
Mais en quoi la CSRD diffère-t-elle concrètement de la NFRD ? C’est ce que nous allons maintenant voir en détail.
De la CSRD à la NFRD : un champ d’application considérablement élargi
Un plus grand nombre d’entreprises concernées
La première grande différence entre la NFRD et la CSRD, c’est leur portée : la nouvelle directive s’applique à un nombre d’entreprise bien supérieur à sa prédécesseure.
La NFRD ciblait en effet principalement les grandes entreprises, et s’appliquait à 11 700 entreprises à travers l’Europe. Les critères précis étaient fixés selon chaque pays, mais pour prendre l’exemple de la France, les entreprises concernées étaient celles qui appartenaient aux catégories suivantes :
- Plus de 500 employés
- Un chiffre d'affaires net supérieur à 40 millions d'euros, ou un total du bilan supérieur à 20 millions d'euros
- Les entités d'intérêt public (sociétés cotées, institutions de crédit, fournisseurs d'assurance)
- Les sociétés anonymes non cotées et les fonds d'investissement non cotés avec un chiffre d'affaires net supérieur à 100 millions d'euros
La CSRD englobe quant à elle un spectre beaucoup plus large d'entités, puisqu’elle concerne près de 50 000 entreprises (dont 6 000 entreprises françaises).
Qui est concerné par la CSRD et quand ?
La CSRD s’applique à 3 grands types d’organisations :
Les entreprises cotées sur les marchés réglementés européens, y compris les PME (les micro-entreprises identifiées par la directive Comptable sont exclues), à partir du moment où elles dépassent 2 des 3 seuils suivants :
- Un bilan de 350 000 euros
- Un chiffre d’affaires net de 700 000 euros
- 10 salariés (en moyenne sur l’exercice)
Les grandes entreprises et PME européennes (cotées ou non), réunissant 2 des 3 conditions suivantes :
- Un bilan supérieur à 20 millions d’euros
- Un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros
- Plus de 250 salariés
Les sociétés non-européennes ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150 millions d’euros sur le marché de l’UE. Les filiales de ces groupes sont également concernées : elles devront en effet fournir un reporting consolidé sur la démarche RSE de leur maison mère.
Toutes les entreprises qui étaient déjà soumises à la NFRD sont donc concernées par la CSRD, mais de nombreuses autres entreprises, de taille plus réduite, entrent désormais elles-aussi dans le champ d'application de la directive.
Le calendrier d’application est toutefois progressif : les PME ont notamment jusqu’à 2027 pour se préparer.
CSRD : des normes de reporting plus détaillées et plus exigeantes que la NFRD
Un nouveau cadre, qui comble les lacunes de la NFRD
Au-delà de son champ d’application élargi, la CSRD se distingue de la NFRD par son cadre plus strict.
La NFRD a en effet eu le mérite de jeter les premières bases du cadre réglementaire du reporting extra-financier en dictant de grandes lignes directrices, mais son efficacité s’est révélée relativement limitée en pratique.
Comment l’expliquer ? La NFRD offrait une grande flexibilité quant à la manière dont les entreprises pouvaient rapporter leurs informations. Le cadre était donc peu contraignant, et laissait beaucoup de place à l’interprétation.
Résultat : il y avait une sorte de grand flou artistique. Les entreprises choisissaient les informations qu’elles voulaient communiquer, les indicateurs associés, ainsi que la manière de les calculer. Les informations communiquées étaient donc souvent superficielles, et il était difficile de les comparer avec celles d’autres entreprises.
La CSRD établit au contraire un cadre plus rigoureux (et donc plus contraignant), qui vise à apporter davantage de transparence et d’homogénéité. Et cela passe notamment par les ESRS.
Les ESRS, de nouveaux standards de reporting
La CSRD définit un ensemble de normes élaborées spécifiquement pour guider les entreprises dans la préparation de leurs rapports de durabilité : les ESRS ( European Sustainability Reporting Standards).
Ces normes définissent avec précision les informations que les entreprises doivent divulguer, sur une large gamme de sujets ESG, depuis les émissions de gaz à effet de serre jusqu'aux droits des travailleurs, en passant par la gouvernance d'entreprise.
Un premier lot de 12 normes a été publié au Journal officiel de l’UE fin juillet 2023, avec 2 normes transversales, 5 normes sur le volet environnemental, 4 normes sur le volet social, et une norme sur la gouvernance. Chaque norme s’accompagne de “Disclosure Requirements” (DR), et de “Data Points”, qui encadrent précisément la manière dont les entreprises doivent communiquer leurs informations et déterminer leurs indicateurs.
L’introduction d’une certification obligatoire par un tiers
Autre nouveauté introduite par la CSRD : les entreprises devront désormais soumettre leurs rapports de durabilité à un processus de vérification externe systématique. L’objectif est clair : assurer une meilleure fiabilité des informations divulguées.
C’est un vrai tournant car cette mesure vise, dans la pratique, à mettre l’information extra-financière au même niveau que l’information financière.
Qui seront ces tiers habilités à certifier les rapports de durabilité des entreprises ? Il pourra s’agir de commissaires aux comptes (CAC), ou d’organismes tiers indépendants (OTI) que l’entreprise sera en mesure de choisir.
À noter que l'UE a prévu des échéances un peu allégées pour permettre une transition en douceur vers le plein respect de la CSRD. Ces délais ajustés offrent aux entreprises le temps nécessaire pour se préparer à ces audits de durabilité, garantissant ainsi que la mise en œuvre de la certification obligatoire par un tiers soit à la fois efficace et réaliste.
Une formalisation plus encadrée des rapports extra-financiers
La CSRD introduit enfin des règles plus précises que la NFRD en termes de format et de fréquence de publication des reportings. Les rapports doivent désormais être publiés annuellement, et être intégrés au rapport de gestion, en suivant les directives précises fournies par les ESRS.
Mais ce n’est pas tout : le format doit également désormais être numérique (XHTML) et compatible avec l’European Single Electronic Format (ESEF).
Là encore, le message de la CSRD est clair : l'information extra-financière doit désormais être traitée avec le même sérieux que l'information financière !
En résumé
Voici, pour finir, un tableau récap de toutes les grandes différences entre la NFRD et la CSRD :